(un) Erreur d’un soir d’une gamine paumée dans une ville trop grande pour elle. Adrian, il porte le fardeau des erreurs de la mère. Il ne sait rien du paternel, sinon qu’il n’a jamais compté. Famille conservatrice un peu trop coincée dans son patriotisme, il a vécu les regards des plus grands comme autant de jugement de valeur portés sur sa mère et lui-même.
(deux) Il a toujours voulu sauver le monde, Adrian, même toutes ces fois où le monde l’a abandonné. Avec Cole, son cousin, il a nourri très jeune l’idée d’entrer dans la police. Quitte à jouer les redresseurs de tort, autant le faire dans le cadre de la loi. Ca a nourri toute son adolescence, ce rêve un peu naïf de faire une différence. Ca l’a empêché de traîner tard le soir, de déconner avec les mauvaises personnes dans les rues de son quartier.
(trois) l’école, justement. Et la désillusion qu’elle a accompagné. Très vite, la prise de conscience qu’il est fait pour autre chose. Il abandonne Cole avec un goût amer, celui que sa place n’est pas ici. Il est paumé, Adrian. Il a construit sa vie avec une idée fixe, et s’aperçoit qu’il a fait les mauvais choix.
(quatre) Tout feu tout flamme. Sa mère met le feu à son appartement. Adrian, à la vue des flammes, se sent stupide et impuissant. La révélation, elle est là. Il entame une formation dès le mois suivant, et comprend enfin que sa vocation est d’être pompier.
(cinq) ça ne l’empêche pas d’être un idiot naïf, engoncé dans ses principes. Adrian, quand il voit des gens en galère, il fonce. On réfléchira plus tard. Cette fois, il n’était pas de taille à lutter. Ils lui sont tombés à quatre dessus. Se sont acharnés jusqu’à ce qu’Adrian gise au sol, inconscient. On l’a laissé pour mort au milieu d’une ruelle trempée par la pluie.
(six) Cliniquement mort pendant dix minutes. Une éternité qu’il résume d’un haussement d’épaules. Il est là, c’est tout ce qui compte… Il feint d’ignorer le traumatisme, prétend n’être atteint de rien. Mais la mortalité l’a touché en plein coeur, et depuis, il tremble à chaque décision d’importance. La peur de crever pour de bon retient chacun de ses gestes.
(sept) des maux de tête à n’en plus finir. Séquelle inavouée de son agression. Il avale les médocs comme des bonbons, mais la douleur est toujours là, lancinante, indélogeable. Pourtant il la ferme, Adrian. Il a trop peur que ça cache quelque chose d’autrement plus grave, que sa carrière de pompier s’achève pour de bon. S’il perd ça, il perd tout.
(huit) Quatre mois. Le temps qu’il a fallu pour le remettre debout. Il a gueulé, souvent. Menti en prétendant qu’il était apte à reprendre une vie normale. Mais on ne se remet pas comme ça d’un retour parmi les vivants. Il a eu peur, Adrian, qu’on l’ait remplacé, oublié.
(neuf) Lieutenant du Squad. Mieux qu’un rêve, un idéal enfin atteint. Il a toujours voulu faire ses preuves, prouver à Cole qu’il avait pris la bonne décision en quittant l’école de police. Il a réussi… C’était juste avant l’agression. La raison aurait voulu qu’il cède sa place le temps de reprendre en douceur. Mais la raison, ça n’a jamais été son fort, à Adrian.
(dix) S’engager, il sait pas faire. Il finit toujours par dire la chose de trop. Il peut compter ses relations stables sur les doigts d'une seule main. Il sait pas faire, Adrian. Il est trop brusque, trop égoïste, trop maladroit.
(onze) La mort, ça aura eu le mérite de le faire réfléchir au sens de sa vie. Il a trente trois ans, et personne d’autre que son chat pour l’attendre quand il rentre à la maison. Il peut pas continuer comme ça, Adrian. S’il veut laisser une trace dans ce monde, il doit se ressaisir.